« Ma rencontre avec Camus », Agnès Spiquel

Ma rencontre avec Camus

Je connaissais Camus comme tout professeur de français pouvait/devait le connaître, sans plus. Signe du destin, quand même : lors de ma première inspection, j’expliquais avec les élèves de première la dernière page de L’Étranger.
Mais c’est avec Jacqueline Lévi-Valensi que j’ai vraiment « rencontré » Camus. À partir de 1991, à Amiens, dans la relation d’amitié nouée avec elle, j’ai eu la meilleure guide qui soit, à la fois compétente et passionnée, à travers l’œuvre de Camus. Par elle aussi, j’ai compris qu’un écrivain pouvait aider à vivre.
Alors j’ai vraiment lu Camus, me sentant en résonance avec ce qu’il dégage d’énergie, de générosité et de goût du bonheur – et aussi de désespoir. J’ai saisi peu à peu les grandes lignes de l’œuvre et son unité profonde, comme un paysage que l’on explore et qui devient familier, de quelque endroit qu’on le regarde. Découvrant où s’enracinaient les engagements de Camus, j’en ai mieux compris la force – et ce mélange de conviction solide et d’absence de certitude qu’on lit partout dans les Carnets
En 1994, Le Premier Homme avait été un éblouissement : le livre m’était si proche à tant d’égards ; et l’écriture, à la fois frémissante et précise, me comblait. Qu’on m’en ait confié la publication dans la Pléiade a été un immense cadeau : pendant les deux ans où j’ai vécu avec ce texte, j’ai vraiment l’impression d’avoir rencontré Camus.
D’autres engagements, en même temps, m’amenaient régulièrement en Algérie et j’ai été prise de passion pour ce pays et pour ses habitants. Tout se rejoignait : les étudiants que je formais étaient l’Algérie du XXIe siècle, qui sortait de la « décennie noire » ; et, pour éclairer les contextes de l’œuvre camusienne, j’approfondissais l’histoire de l’Algérie du XXe siècle : la guerre d’indépendance et, remontant encore dans le temps, les années 30 à Alger.

Parler de Camus est désormais pour moi un constant bonheur…

Agnès SPIQUEL

Anne-Marie Tournebize
anne-marie.tournebize@orange.fr