« Ma rencontre avec Camus » par Guy Basset

Ma rencontre avec Camus.

A chaque fois que j’ouvre les deux tomes de l’ancienne édition de La Pléiade, je suis saisi d’une certaine émotion : tous deux portent une mention manuscrite : « donné par » mes parents. Le premier Théâtre, récits, nouvelles est daté du 15 juin 1965 (jour de mon dix neuvième anniversaire) et le second Essais suit de près, car donné à Noël de la même année. C’est dans ma bibliothèque commencée dans ses années là le seul cas d’une telle continuité. L’image de la mort de Camus, fauché en pleine gloire, rejoint dans mes souvenirs celle de John Fitzerald Kennedy dont le portrait a longtemps figuré dans notre salle de classe du Lycée Condorcet à Paris fin 1963. Leurs engagements réciproques pour changer la société rejoignait aussi une certaine sensibilité politique qui commençait à se mettre en route… Et il y avait chez Camus comme un parfum de nouveauté, voire de subversion pour un auteur qui n’était pas encore étudié dans les classes secondaires. Mais c’est Noces qui fut l’éblouissement de la conjonction de la mer et du soleil présent dans une Algérie qui faisait aussi partie de la mythologie familiale. Et quand on tire un bout de laine, c’est toute la pelote qui vient…
Que peut la littérature ? s’interrogeait Sartre au lendemain de son refus du Prix Nobel le 9 décembre 1964 à la Mutualité à Paris. L’œuvre de Camus dans sa trilogie : roman, théâtre, essais (philosophiques) apportait à mon sens une réponse à cette question en brisant une spécialisation (littérature / philosophie) trop pesante ou trop prégnante.
La suite se déroula comme le scénario d’un film ou l’intrigue d’un roman : le hasard d’une nomination à Izmir en août 1970 où mon « patron » n’était autre qu’Edmond Charlot, dont j’avais, bien sûr repéré le nom, ayant sans doute déjà racheté sur les quais une réédition de Noces parue à la Libération et dont j’avais déjà largement entendu parler. Par les souvenirs évoqués, Camus prenait encore plus visage humain et s’inscrivait dans un milieu riche dont les témoins existaient encore.
Il y eut ensuite, cet entrefilet discret du journal Le Monde annonçant à Paris la réunion fondatrice de la Société des études camusiennes le samedi 7 janvier 1984 qui fit immédiatement de moi le premier trésorier de la Société.
Impressionné et aussi stimulé par ces autorités universitaires camusiennes, il me fallut du temps pour me mettre à travailler et oser partager mon Camus avec d’autres. Mais c’est une autre histoire, faite elle aussi de rencontres et de partages amicaux.

Guy BASSET
26 octobre 2017

Anne-Marie Tournebize
anne-marie.tournebize@orange.fr