11 Avr Présence d’Albert Camus n° 9 – 2017
Le numéro 9 de notre Revue Présence d’Albert Camus vient de paraître. En voici le sommaire et les résumés des contributions en français et anglais. Vous pouvez commander ce numéro (et les précédents également) au prix de 12€ le numéro (+ 3 € de frais de port pour la France) à l’adresse de l’association : 18 avenue René Coty, 75014, Paris.
SOMMAIRE :
Albert CAMUS présente Montserrat d’Emmanuel ROBLÈS ……………………
CONTRIBUTIONS
Pierre-Louis REY, « “Peut-être”, une fin pour “Retour à Tipasa” »
Rémi BAUDOUÏ, « Hannah Arendt et Albert Camus »
Marie-Thérèse BLONDEAU, « Don Juan ou le démon de l’immanence »
Aurélie PALUD,« Albert Camus – Wajdi Mouawad : Exprimer la contagion pour en briser le cycle »
Sylvie ARNAUD GOMEZ, « La justice et le réel dans l’Étranger d’Albert Camus »
Madalina GRIGORE MURESAN, « Les références aux arts plastiques dans les Carnets d’Albert Camus »
Christian PHÉLINE, « « Zoun-Zoun » ou un trouble du souvenir au pied de la Casbah »
Travaux universitaires :
Guy BASSET, Itinéraires de lecture : Pascal, Camus et l’Algérie en partage
Louiza BOUDAA, La conception de la famille dans l’œuvre d’Albert Camus
Samara Fernanda GESKE, « La rosée sur les ruines » : une lecture du processus de création du roman inachevé Le Premier Homme d’Albert Camus
Document :
Interview de Kamel Daoud par Maciej Kałuża (Cracovie, le 19 octobre 2015)
Comptes-rendus :
En quête de L’Étranger, Alice Kaplan, traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrick Hersant, Gallimard (Hans Peter LUND) ; Camus militant communiste ; Alger, 1935-1937, Christian Phéline, Agnès Spiquel-Courdille, Gallimard (Pierre-Louis REY) ; Albert Camus, Requiem pour une nonne, d’après William Faulkner, édition présentée, établie et annotée par Pierre-Louis Rey, Gallimard, coll. « Folio Théâtre » (Agnès SPIQUEL) ; Albert Camus-André Malraux, Correspondance 1941-1959 et autres textes, édition établie, présentée et annotée par Sophie Doudet, Gallimard (François de SAINT-CHÉRON) ; Des écritures engagées aux écritures impliquées, Littérature française (XXe-XXIe siècles), sous la direction de Catherine Brun et Alain Schaffner, Éditions Universitaires de Dijon (Marie-Thérèse BLONDEAU) ; Abd Al Malik, Camus, l’art de la révolte, Fayard (Agnès SPIQUEL)
Bibliographie
Vie de la Société des Études Camusiennes
Disparitions : Hamid Nacer-Khodja, Rudolf Neudeck
RÉSUMÉS :
Pierre-Louis Rey, « « Peut-être ». Une fin pour « Retour à Tipasa » ».
Le dernier paragraphe de « Retour à Tipasa », imprimé entre guillemets, avait déjà été publié, à quelques variantes près, dans la revue Verve sous le titre « Peut-être ». Il sert de dénouement au texte recueilli dans L’Été. Ces paroles viennent « d’une autre voix mystérieuse, en moi », prévient le narrateur du récit. Elles viennent aussi d’un autre texte, légèrement modifié en vue de sa nouvelle destination.
Rémi Baudouï, « Arendt et Camus ».
Le 30 avril 1952, Hannah Arendt rencontre Albert Camus à Paris. Rien ne les prédisposait à se rencontrer. Bien que de même génération, la philosophe et l’écrivain appartiennent à deux univers culturels différents. L’objet est ici de s’interroger sur la convergence de leurs cheminements intellectuels dans la dénonciation des totalitarismes. À partir de cette analyse, il sera possible de situer les points de convergence mais aussi de divergence de leurs réflexions. On pourra dès lors comprendre en quoi le fil de leur dialogue s’est rompu après cette unique rencontre parisienne.
Marie-Thérèse Blondeau, « Don Juan ou le démon de l’immanence ».
Don Juan, personnage éminemment théâtral, a toute sa vie hanté Camus. Dans Le Mythe de Sisyphe, il en fait une des facettes de l’homme absurde, à côté du comédien et du conquérant. Régulièrement, dans ses Carnets, il revient sur ce personnage qu’il envisage, dans une pièce même pas ébauchée, d’unir à Faust, mariant ainsi deux mythes modernes. Clamence peut apparaître comme le dernier avatar de Don Juan dans l’œuvre de Camus : La Chute serait alors une sorte de « Don Juan aux enfers » ! Qu’est-ce qui a fasciné Camus dans ce personnage mythique né sur la terre espagnole, au Siècle d’Or, sous la plume d’un moine de la Merci ?
Aurélie Palud, « Albert Camus – Wajdi Mouawad : exprimer la contagion pour en briser le cycle ».
Qu’est-ce qui rapproche la pièce Incendies de Wajdi Mouawad du roman La Peste de Camus ? Si la filiation ne va pas de soi, la comparaison n’en est pas moins éclairante. Par-delà les parcours convergents du Français d’Algérie et du Libano-canadien, les deux œuvres mettent en scène une contagion, réelle ou métaphorique, pour définir ce qui se transmet par temps de crise. Le langage devient alors un enjeu fondamental pour les personnages qui tâchent de faire advenir une parole, comme pour les auteurs qui tentent de nommer en vue de réparer – tentative aussi nécessaire que problématique.
Sylvie Arnaud-Gomez, « La justice et le réel dans L’Étranger de Camus ».
Camus, dans L’Étranger, met en scène une justice aporétique qui ne peut accéder à la réalité ou à la vérité de l’homme qu’un crime a conduit jusqu’à elle. Il explore une « ère du soupçon » à travers une fiction dont les choix narratifs dévoilent l’irréductible opacité du personnage. Meursault est jugé pour un meurtre qui relève du « fortuit » et révèle l’absurde, discréditant ainsi le réel – c’est advenu. La justice doit donner du sens à l’acte en le faisant coïncider avec l’illusion de la vérité intime de l’homme. Camus montre le divorce entre l’acte et le sens à travers la reconstitution d’un procès vain – la justice n’accède pas au réel – et efficace – le coupable est condamné à mort. Meursault, « le seul Christ que nous méritons », meurt pour que la société ne disparaisse pas dans le gouffre béant du néant.
Madalina Grigore-Muresan, « Les références aux arts plastiques dans les Carnets d’Albert Camus ».
Lors des sorties en ville ou des voyages à l’étranger, Camus entre en contact avec les arts et y fait référence dans ses Carnets. Notre étude se propose d’analyser les réflexions de l’écrivain sur la peinture, la sculpture et l’architecture entre 1949 et 1959. Plusieurs notations évoquent des tableaux et sculptures célèbres, des artistes tourmentés, des musées, des expositions, de monuments de renom. Le voyage culturel à travers les villes mythiques et la redécouverte des œuvres artistiques de différentes époques pourraient avoir un effet bénéfique sur l’écrivain. Ils lui redonnent l’élan vital pour dépasser des moments d’abattement. L’art serait alors un facteur de régénération personnelle.
Christian PHÉLINE, « Zoun-Zoun » ou un trouble du souvenir au pied de la Casbah.
Empruntant au titre de Freud « Un trouble du souvenir sur l’Acropole », cet article cherche à saisir pourquoi, dans Le Premier Homme, Camus appelle « Bab-Azoun » et non pas « Bab-el-Oued », son vrai nom, la rue d’Alger qui menait à son lycée. L’étude de la topographie, de l’assonance des mots, et d’autres lapsus émaillant le récit conduit à relier cette substitution à la persistance d’une représentation pittoresque des « indigènes » ainsi qu’à la culpabilité accompagnant chez l’adolescent son émancipation à l’égard de sa mère et de son milieu d’origine.
ABSTRACTS :
Pierre-Louis REY, « « Perhaps ». An ending for « Retour à Tipasa » ».
The final paragraph of « Retour à Tipasa », printed in inverted commas, had already been published, with a few variants, in the review Verve under the title « Peut-être ». It serves as a conclusion to the text included in L’Été. The words emanate from « a mysterious other voice in me », the narrator of the tale points out. They also come from another text, slightly modified with a view to its new destination.
Rémi BAUDOUÏ, « Arendt and Camus ».
On April 30, 1952, Hannah Arendt unexpectedly meets Albert Camus in Paris. Although of the same generation, the philosopher and the writer belong to two different cultural universes. The object of the present paper is to look into the extent to which intellectual paths towards the rejection of totalitarianisms converged. I offer an analysis that enables the identification of points of convergence, but also of divergence in these two authors’ reflections. This discussion suggests ways to better understand why they abandoned all forms of dialogue after this only Parisian meeting.
Marie-Thérèse BLONDEAU, « Don Juan or the demon of immanence ».
Don Juan, an eminently theatrical character, haunted Camus throughout his life. In Le Mythe de Sisyphe he makes him one aspect of the absurd man, alongside the actor and the conqueror. In his Carnets he comes back regularly to the character whom he contemplates combining with Faust, in a play that he did not go so far as to sketch – thus bringing together two modern myths. Clamence may appear to be the final avatar of Don Juan in Camus’s work : La Chute might thus be a kind of « Don Juan in Hell »! What was it that fascinated Camus about this mythical character born on Spanish soil, during the Golden Age, from the pen of a monk in the Order of [Our Lady of ] Mercy?
Aurélie PALUD, Albert Camus – Wajdi Mouawad : « Give expression to contagion in order to break the cycle ».
What links the play Incendies by Wjadi Mouawad and the novel La Peste by Camus? If the connection does not seem obvious, a comparison between the two is illuminating none the less. Over and above the convergent evolution of the Algerian Frenchman and the Lebanese Canadian, the two works depict a contagion, real or metaphorical, in order to define what is passed on during times of crisis. Language then becomes a fundamental issue for the characters who try to bring a means of communication into being, as it is for authors who attempt to name in order to remedy – an undertaking as necessary as it is problematic.
Madalina GRIGORE-MURESAN, « References to the plastic arts in the Carnets of Albert Camus ».
When out around town or travelling abroad, Camus comes into contact with the fine arts and refers to them in his Carnets. Our study aims to analyze the writer’s reflections on painting, sculpture and architecture between 1949 and 1959. Several notes evoke famous pictures and sculptures, tormented artists, galleries, exhibitions, renowned monuments. Cultural travel through mythic cities and the rediscovery of works of art from different eras could have a beneficial effect on the writer, restoring his creative drive to help him through moments of despondency. Art could thus be a means of personal regeneration.
Sylvie ARNAUD-GOMEZ, « Justice and reality in L‘Étranger de Camus ».
Camus, in L‘Étranger, depicts the impasse of a judicial system that cannot reach the reality or the truth of the man whose crime has brought him before it. It explores an « era of suspicion » through a fiction whose narrative choices reveal the insurmountable opacity of the character. Meursault is tried for a murder that is « fortuitous » and reveals the absurd, thus discrediting the real – it simply happened. The judicial system must give meaning to the act by making it conform to the illusion of the inner truth of the man. Camus shows the divorce between act and meaning through the reconstitution of a trial both futile – justice does not get to the bottom of reality – and efficient – the guilty man is condemned to death. Meursault, « the only Christ we deserve », dies so that society does not disappear into the yawning gulf of nothingness.
Christian PHÉLINE, « « Zoun-Zoun » or a problem of memory at the foot of the Casbah ».
Referring to Freud’s « Disturbance of Memory on the Acropolis », this article tries to understand why, in Le Premier Homme, Camus calls « Bab-Azoun » and not « Bab-el-Oued », its real name, the street of Algiers leading to his high school. It scrutinizes topography, phonetics and other slips of the writer’s pen to explain this word substitution. As a result, it uncovers an enduring picturesque vision of « indigenous » people and the feeling of guilt associated with the teenager’s emancipation from his mother and his social background.