03 Oct Présence d’Albert Camus n°11 – 2019
Le numéro 11 de notre Revue Présence d’Albert Camus est paru. En voici le sommaire. Vous pouvez commander ce numéro au prix de 12€ le numéro (+ 3 € de frais de port pour la France) à l’adresse de l’association : 18 avenue René Coty, 75014, Paris.
Sommaire
Texte
Albert Camus, « Lettre à un jeune Anglais », présentation par Philippe VANNEY
Contributions
Hans Peter Lund, « Les retraites de Camus »Barbara Zauli, « Fiat veritas, pereat vita, Albert Camus et la vérité des philosophes »…Agnès Spiquel, « Camus et le jugement »Sofia Chatzipetrou, « Albert Camus et Nikos Kazantzaki : Une lecture d’Ascèse ou l’homme en devenirEdoardo Cagnan, « « Le censeur crie ce qu’il proscrit » : Souvenirs et interdit sexuel dans La Chute »Sophie Bastien, « Des régimes rajeunissants pour le théâtre de Camus »Christian Phéline, « Le traître, le transfuge et le repenti : Figures du Renégat »
Travaux universitaires
Fathi Selmi, « Le mythe méditerranéen dans l’œuvre de Camus »Pascale Devette « La pensée tragique d’Albert Camus, de Simone Weil et d’Hannah Arendt »
Document :
Blanche Balain « Souvenir de « L’Équipe » »
Comptes-rendus :
Albert Camus et les vertiges du sacré, Actes du colloque international d’Angers, 20-21 octobre 2016, publiés sous la direction de Carole Auroy et Anne Prouteau, Presses universitaires de Rennes, 2019 (Hans Peter Lund) ; Le Sourire d’Albert Camus, Actes du colloque d’Aix-en-Provence, 8-11 novembre 2017, réunis et présentés par David H. Walker, CreateSpace Independent Publishing (Marie-Thérèse Blondeau) ; Albert Camus – Aimé Césaire. Poétiques de la révoltesous la direction d’Alexander Dickow et Buata B. Malela (Jason Herbeck) ; Albert Camus et le Siècle d’or espagnol, Revue d’histoire du théâtre, n° 280 (Guy Basset) ; Laâdi Flici et quelques autres, Alger 1967, « Camus, un si proche étranger », présentation d’Agnès Spiquel, El Kalima éditions, « Petits Inédits Maghrébins », Alger, imprimé à Blida (Algérie) (Pierre-Louis Rey) ; Pierre Grouix, Coin neutre. Camus, Cerdan, vies croisées, Préface de Pierre-Louis Rey. Postface de Jeanyves Guérin, éditions du bourg (Agnès Spiquel) ; Sarah Bakewell, Au café existentialiste. La liberté, l’être et le cocktail à l’abricot, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat et Aude de Saint-Loup, Albin Michel (Pierre-Louis Rey)
Bibliographie
Vie de la Société des Études Camusiennes
Disparition :
Paul Viallaneix
Résumés en français :
Hans Peter Lund, « Les retraites de Camus »
La retraite, celle de Bernard de Clairvaux, de l’abbé de Rancé, de Montaigne, qui doutait qu’il pût trouver la paix intérieure, et de Descartes, qui la recommandait à ses amis Guez de Balzac et Mersenne, était recherchée par Camus aussi, comme une veillée d’armes de l’esprit. Or, la vraie solitude était difficile à trouver. À Cordes, bien que stimulée par la proximité du château du Cayla et le souvenir d’Eugénie de Guérin, elle fut compliquée par sa vie amoureuse. Ses séjours au cloître de Saint-Maximin, au Grand-Valtin dans les Vosges et à Cabris étaient insuffisants, et dans l’isolement au Panelier, c’était dans sa maladie qu’il s’emmurait comme dans un couvent. Il lui fallait aller plus loin, en Italie, pays qui lui assurait un certain « recueillement », à Laghouat dans la Sud de l’Algérie, à Tipasa aussi, lieux d’où il revenait avec de nouvelles inspirations, ou encore en Grèce, révélatrice de l’ailleurs du monde antique et des mythes anciens. Le bonheur dans la solitude restait néanmoins pour Camus un mystère qu’il savait retrouver finalement dans un coin de nature isolé et secret où il rêvait de mourir.
Barbara Zauli, « Fiat veritas, pereat vita, Albert Camus et la vérité des philosophes »
Situer la question de la « spiritualité » dans le champ de l’écriture, philosophique et/ou romanesque est l’enjeu du présent article. Ici la question de l’intensification du sentiment d’exister engendrée par l’écriture apparaît comme centrale. Une telle problématique se voit étroitement liée à la question de la vérité puisqu’elle nous conduit à nous poser les questions suivantes : que doit être le sujet pour être capable de vérité ? Quelles opérations doit-il mener sur lui afin de dire le vrai ? Puis dans ce cadre spécifique, de quelle vérité s’agit-il dans l’œuvre philosophique d’Albert Camus, ce dernier s’inscrivant dans la lignée de Nietzsche ?
Tel est le fils rouge de cette brève traversée d’une œuvre – celle de Camus – qui se montre comme inséparable de l’existence de son auteur, lui-même se faisant œuvre.
Agnès Spiquel, « Camus et le jugement »
Cet article vise à montrer comment Camus questionne la notion de « jugement ». Tout en critiquant la manière dont l’institution judiciaire mène le jugement, l’écrivain élargit la dimension éthique de la réflexion, sous le signe du couple innocence/culpabilité. La Chute règle son compte à cet univers du procès où le jugement est omniprésent. Dès lors, Camus cherche comment sortir de cet univers ; la démarche de l’artiste lui paraît de plus en plus nécessiter une suspension du jugement et relever du témoignage, comme il l’avait pressenti dès l’orée de son œuvre. Mais quel langage, quelle « manière » le témoignage requiert-il ?
Sofia Chatzipetrou, « Albert Camus et Nikos Kazantzaki : Une lecture de l’Ascèse ou l’homme en devenir »
Albert Camus et Nikos Kazantzaki s’inscrivent dans la longue lignée d’écrivains qui, dans l’espace chaotique de leur époque, se sentent héritiers d’un monde conçu comme absurde. Ils s’efforcent donc de revendiquer une affirmation de la qualité humaine, tout en restant sous le signe de lutte et de révolte. C’est à cette affinité intellectuelle entre les deux figures majeures des littératures française et grecque que nous consacrons notre article.
Dans une volonté de réfléchir à la dialectique entre les deux auteurs, nous abordons leur affinité intellectuelle à partir de l’Ascèse (1944). Avec cet essai philosophique, Kazantzaki s’est élevé au-dessus de l’angoisse métaphysique qui n’a cessé de le tourmenter tout au long de son existence, et nous a offert une vision prométhéenne de l’aventure humaine. Et si la tragédie humaine se trouve au cœur de la réflexion de Kazantzaki, elle s’y trouve tout autant pour Camus. L’homme est partout présent dans les deux œuvres, les personnages sont de chair et d’os, faisant effort dans une lutte humaine et sur-humaine. La déchirante démarche du grand Crétois dirige vers un mouvement de révolte ; notion centrale chez Camus, qui ne cessait de professer sa foi en l’homme et en sa dignité.
À partir des notions telles que l’absurde, la révolte, les images de Sisyphe et de Prométhée, nous essayons de mettre en relief le chemin commun entre les deux auteurs et leur convergence intellectuelle. Nous considérons qu’il s’agit d’un dialogue qui ouvre un champ fertile de lecture et de relecture.
Edoardo Cagnan, « « Le censeur crie ce qu’il proscrit » : souvenirs et interdit sexuel dans La Chute »
Centrale dans la construction psychologique d’un individu, tout comme dans le fonctionnement d’une société, la sexualité joue un rôle essentiel dans les « écritures de soi » (Foucault) : en ce sens, on perçoit aisément que, dans La Chute, la confession paradoxale de Clamence est scandée par l’évolution de son rapport aux femmes. Néanmoins, en dépit de son importance, la sexualité est aussi frappée par l’interdit de la bienséance : du point de vue de l’écriture, la pudeur éthique et la réticence stylistique s’imposent. Cet article se propose d’étudier la manière dont le souvenir est transformé par le style d’abord pour être transmis et ensuite pour devenir une sorte de doctrine. Ainsi avance-t-on l’idée que dans La Chute la réticence stylistique, loin d’être une manière de se taire, constitue plutôt la seule manière de s’exprimer et de rendre « mémorable » un souvenir intime par le biais d’une reconnaissance collective.
Sophie Bastien, « Des régimes rajeunissants pour le théâtre de Camus »
L’article analyse deux représentations de pièces camusiennes produites au printemps 2017 : Caligula monté par René Richard Cyr à Montréal, et L’État de siège mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota dans des villes françaises puis en tournée internationale jusqu’en 2018. Résolument modernes, ces deux réalisations rendent les pièces respectives au goût du jour. Le travail de Demarcy-Mota sur L’État de siège recourt à des media visuels et sonores foisonnants, au déploiement spatial, à l’expressivité corporelle, à des procédés tantôt artaudiens tantôt brechtiens, et à des langages scéniques que le jeune Camus avait déjà prescrits dans Révolte dans les Asturies. Tout ce dynamisme s’avère très efficace. Par contre, entre les mains de René Richard Cyr, Caligula devient dénaturé. La participation récurrente de Drusilla et l’insertion de répliques puisées dans la version de 1941, se révèlent contradictoires dans la version de 1958. Des suppressions textuelles majeures évacuent la lucidité existentielle du protagoniste et son mode ironique. Bref, devant la profondeur exigeante des thèmes camusiens, Cyr choisit l’esquive quand Demarcy-Mota ne sacrifie rien.
Christian Phéline, « Le traître, le transfuge et le repenti, figures du Renégat »
On peut déceler dans « Le Renégat » (1957), sorte de drame christique tourné au négatif, un écho tant du supplice du martyr de l’islam Al-Hallâj que du roman El Euldj, captif des Barbaresques (Chukri Khodja, 1929) ou de la catastrophe identitaire subies par des « coloniaux » dans Heart of Darkness (Joseph Conrad, 1899) et Des Blancs dans la cité des Noirs (Robert Randau, 1935). Sa chute rejoint aussi l’inattendue réconciliation avec l’humanité qui conclut L’Étranger. Mais, du plus sombre et hermétique de ses récits, Camus a paradoxalement voulu fixer par avance le sens : « Il s’agit de l’intellectuel devenu communiste […]. » Cet article s’emploie donc à particulariser une telle « parabole » au regard de la violente expérience du militantisme communiste faite par l’auteur en 1935-1937 puis de sa posture dans la crise finale de l’Algérie coloniale. Figure des aveuglements d’un certain « progressisme », le « renégat » y apparaît voisin du « transfuge » dépeint par Albert Memmi, adoptant « fatalement une forme de libération nationale et ethnique d’où il ne peut qu’être exclu » et auquel Camus, au risque d’être tenu comme un simple « colonisateur de bonne volonté », aura opposé le refus de tout monopole ethnique, religieux ou politique. En cela la nouvelle de 1957 anticiperait aussi cette « poly-tragédie » de l’hyper-violence (Edgar Morin) dont s’est payée une décolonisation pourtant inéluctable et qui, on le sait, s’est gravement perpétuée par la suite.
Résumés en anglais :
Hans Peter Lund, « Les retraites de Camus »
A retreat, like that of Bernard de Clairvaux, of the abbot de Rancé, or of Montaigne, who doubted whether he could find inner peace, and of Descartes, who recommended it to his friends Guez de Balzac and Mersenne, was sought by Camus too, like an eve of battle for the spirit. Now true solitude was hard to find. At Cordes, although stimulated by the proximity of the chateau of Le Cayla and the memory of Eugénie de Guérin, things were complicated by his love-life. His stays at the cloister of Saint-Maximin, at Grand-Valtin in the Vosges, and at Cabris, were inadequate, and in the seclusion of Le Panelier, he was cloistered by his illness as if in a convent. He had to go further afield, to Italy, a country which guaranteed him a certain disposition to meditate, to Laghouat in the south of Algeria, to Tipasa too, from where he came back with new sources of inspiration, and also to Greece, a country which revealed to him an ‘elsewhere’ of the Ancient World and ancient myths. Happiness in solitude remained nevertheless for Camus a mystery which he was finally able to rediscover in a secret, isolated corner of nature where he dreamed of dying.
Barbara Zauli, « Fiat veritas, pereat vita, Albert Camus et la vérité des philosophes »
The aim of this article is to situate the question of ‘spirituality’ within the sphere of writing, whether philosophical or novelistic. Here the question of the intensification of the sensation of existence brought about through writing seems central. Such a formulation is seen to be closely linked to the question of truth since it leads us to ask the following questions : what must the subject be, to be capable of truth ? What operations must it carry out on itself in order to speak the truth ? Then in this specific context, what truth informs the philosophical work of Albert Camus, who situates himself in the lineage of Nietzsche ? Such is the guiding strand in this brief exploration of a body of work – that of Camus – which reveals itself to be inseparable from its author, as he transforms himself into the work.
Agnès Spiquel, « Camus et le jugement »
This article aims to show how Camus interrogates the notion of ‘judgement’. While criticising the manner in which the judicial system enacts judgement, the writer widens the ethical scope of his reflection, in relation to the paired concepts of innocence and guilt. La Chute settles a score with the universe of the trial where judgement is omnipresent. Then Camus seeks to find a way out of this universe : the stance of the artist seems to him increasingly to render necessary a suspension of judgement and to have to do instead with bearing witness, as he had intuited at the outset of his work. But what language, what ‘guise’ does testimony call for ?
Sofia Chatzipetrou, « Albert Camus et Nikos Kazantzaki : Une lecture de L’Ascèse ou l’homme en devenir »
Albert Camus and Nikos Kazantzaki take their place in the long line of writers who, in the chaotic space of their era, feel themselves to be heirs to a world conceived as absurd. Hence they strive to claim an affirmation of the quality of the human, while remaining within the sphere of struggle and revolt.
Our article is devoted to this intellectual affinity between these two major figures of French and Greek literature. With the intention of reflecting on the dialectic between the two authors we begin their intellectual affinity starting with L’Ascese(1944). With this philosophical essay, Kazantzaki raised himself above the metaphysical anxiety which never ceased to torment him throughout his existence, and offered us a Promethean vision of humanity’s adventure. And if the human tragedy is at the heart of Kazantzaki’s reflections, such also is the case for Camus. Man is everywhere present in the two bodies of work, their characters are flesh and blood, striving in a human and superhuman struggle. The wrenching strategy of the great Cretan directs us towards a movement of revolt ; a notion which is central to Camus, who never ceased proclaiming his faith in man and in his dignity. Taking as a starting point notions such as the absurd, revolt , the images of Sisyphus and of Prometheus, we seek to bring out the common itinerary of the two authors and their intellectual convergence. We consider that this is a dialogue which opens up a fertile domain for readings and re-readings.
Edoardo Cagnan, « « Le censeur crie ce qu’il proscrit » : souvenirs et interdit sexuel dans La Chute »
As a crucial element of a person’s psychological construction and in the functioning of society, sexuality plays an essential role in “self-writing” (Foucault) : in fact, we can easily see that in The Fall Clamence’s paradoxical confession unfolds to the beat of his changing relationship with women. But, despite its importance, sexuality is also prey to the taboo of decorum, whose consequences on writing are ethical modesty and stylistic reticence. This article aims to study the way memory is transformed by style, first, in order to be conveyed and, then, to become a kind of doctrine. Thus, we argue that in The Fall stylistic reticence is not a way of remaining silent, but rather the only way for the subject to express himself, and to make a private memory “memorable” through collective recognition.
Sophie Bastien, « Des régimes rajeunissants pour le théâtre de Camus »
This article analyses two productions of Camus plays performed in Spring 2017 : Caligula staged by René Richard Cyr in Montréal, and L’État de siège produced by Emmanuel Demarcy-Mota in several French towns then touring internationally through to 2018. Determinedly modern, these two productions make the two plays contemporary. The work of Demarcy-Mota on L’État de siège resorts to a wealth of visual and sound effects, exploitation of space, expressive body language, techniques at once Artaudian and Brechtian, and theatrical devices that the young Camus had already prescribed in Révolte dans les Asturies. All this dynamism proves to be highly effective. By contrast, in the hands of René Richard Cyr, Caligula becomes distorted. The recurring participation of Drusilla and the insertion of lines taken from the 1941 version turn out to be contradictory in the version of 1958. Major textual cuts remove the existential lucidity of the protagoniste and his ironic stance. In short, in the face of the demanding profundity of the Camusian themes, Cyr chooses to sidestep them whereas Demarcy-Mota sacrifices nothing.
Christian Phéline, « Le traître, le transfuge et le repenti, figures du Renégat »
One can discern in « Le Renégat », a sort of negative of a christ-like drama, an echo of the death of the Islamic martyr Al-Hallâj and of the novel El Euldj, captif des Barbaresques (Chukri Khodja, 1929) or of the identity catastrophe undergone by the “colonials” in Heart of Darkness (Joseph Conrad, 1899) and Des Blancs dans la cité des Noirs (Robert Randau, 1935). Its ending also recalls the unexpected reconciliation with humanity which concludes L’Étranger. However, Camus tried paradoxically to specify the meaning of this most dark and hermetic of his stories : “It’s about the intellectual converted to communism”. Hence this article attempts to particularise such a “parable” in relation to the violent experience of communist militantism which the author lived out in 1935-1937, then to his stance on the final crisis of colonial Algeria. The embodiment of the blind spots of a certain kind of “progressivism”, the “renegade” appears to be a near neighbour of the “defector” depicted by Albert Memmi, adopting “inevitably a form of national and ethnic liberation from which he can only be excluded” and to which Camus, at the risk of being deemed a simple “coloniser of goodwill” will oppose a refusal of any ethnic, religious or political monopoly. In this respect the novella of might be seen as anticipating that ‘poly-tragedy’ of hyperviolence (Edgar Morin) which was the price of an ineluctable decolonisation which furthermore, as we know, was seriously perpetuated subsequently.
Résumés en espagnol :
Hans Peter Lund, « Los retiros de Camus »
El retiro, el de Bernard de Clairvaux, del abad de Rancé, de Montaigne, que dudaba en encontrar la paz interior, y de Descartes, que lo recomendaba a sus amigos Guez de Balzac y Mersenne, estaba buscado por Camus también, como una vela de armas del espíritu. Ahora bien, la verdadera soledad era difícil de encontrar. En Cordes, a pesar de que estaba estimulada por la proximidad del castillo de Cayla y el recuerdo de Eugenia de Guérin, fue complicada por su vida amorosa. Sus estancias en el claustro de Saint-Maximin, al Grand-Valtin en los Vosgos y a Cabris eran insuficientes, y en el aislamiento al Panelier, era en su enfermedad que se refugiaba como en un convento. Necesitaba ir más lejos, en Italia, país que le garantizaba un cierto « recogimiento », en Laghouat en el sur de Argelia, en Tipasa también, lugares de donde regresaba con nuevas inspiraciones, o en Grecia, reveladora del mundo antiguo y de los mitos antiguos. La felicidad en la soledad permanecía para Camus un misterio que sabía reencontrar finalmente en un rincón aislado de naturaleza y secreto donde soñaba con morir.
Agnès Spiquel, « Camus y el juicio »
Este artículo tiene por objeto mostrar cómo Camus cuestiona la noción de « juicio ». Además de criticar la manera en que la institución judicial lleva el juicio, el escritor amplia la dimensión ética de la reflexión, bajo el signo del par inocencia/culpabilidad. La Caída descalifica a este universo del juicio donde la sentencia está omnipresente. Por lo tanto, Camus busca cómo salir de este universo; el enfoque del artista le parece cada vez más requerir una suspensión del juicio y ser cuestión de testimonio, como lo había presentido al inicio de su obra. ¿Pero que lenguaje, que « manera » el testimonio requiere?
Sofia Chatzipetrou, « Albert Camus y Nikos Kazantzaki : Una lectura de la Ascesis o el hombre en evolución »
Albert Camus y Nikos Kazantzaki se inscriben en la larga línea de escritores que, en el espacio caótico de su época, se sienten herederos de un mundo concebido como absurdo. Se esfuerzan por lo tanto de reivindicar una afirmación de la calidad humana, quedando bajo el signo de la lucha y de la revuelta. Es a esta afinidad intelectual entre las dos figuras importantes de las literaturas francesas y griegas que dedicamos nuestro artículo.
Con la voluntad de reflexionar sobre la dialéctica entre los dos autores, abordamos su afinidad intelectual a partir de la Ascesis (1944). Con este ensayo filosófico, Kazantzaki se ha elevado por encima de la angustia metafísica que no ha parado de atormentarle a lo largo de su existencia, y nos ha ofrecido una visión prometeana de la aventura humana. Y si la tragedia humana se encuentra en el corazón de la reflexión de Kazantzaki, se encuentra también para Camus. El hombre está por todos lados presente en las dos obras, los personajes son de carne y hueso, haciendo esfuerzo en una lucha humana y sobrehumana. El desgarrador enfoque del gran Cretense dirige hacia un movimiento de revuelta; noción central en Camus, que no paraba de profesar su fe en el hombre y en su dignidad.
A partir de estas nociones como el absurdo, la revuelta, las imágenes de Sísifo y de Prometeo, intentamos poner de relieve el camino común entre los dos autores y su convergencia intelectual. Consideramos que se trata de un diálogo que abre un campo fértil de lectura y de relecturas.
Barbará Sauri, « Fiat veritas, perreta vita » Albert Camus y la verdad de los filósofos
Situar la pregunta de la « espiritualidad » en el campo de la escritura, filosófica y/o novelesca es la finalidad del presente artículo. Aquí la pregunta de la intensificación del sentimiento de existir generada por la escritura aparece como central. Tal problemática se ve estrechamente relacionada con la pregunta de la verdad porque nos lleva a plantearse las preguntas siguientes: ¿que debe ser el sujeto para ser capaz de verdad? ¿Que operaciones debe llevar sobre él para decir lo verdadero? Luego en este marco específico, ¿de qué verdad se trata en la obra filosófica de Albert Camus, este último inscribiéndose en la línea de Nietzsche? Tal es el hilo conductor de esta breve travesía de una obra – la de Camus – que se muestra como inseparable de la existencia de su autor, él mismo haciéndose obra.
Eduardo Cagnan, « El censor grita lo que proscribe » : recuerdos y tabú sexual en La Caída
Central en la construcción psicológica de un individuo, como en el funcionamiento de una sociedad, la sexualidad juega un papel esencial en las « escrituras de sí-mismo » (Foucault) : en ese sentido, percibimos fácilmente que, en La Caída, la confesión paradójica de Clamence está marcada por la evolución de su relación a las mujeres. Sin embargo, a pesar de su importancia, la sexualidad está también afectada por el tabú de las buenas maneras : del punto de vista de la escritura, el pudor ético y la reticencia estilística se imponen. Este artículo se propone estudiar la manera de la que el recuerdo está transformado por el estilo primero para ser transmitido y luego para convertirse en una especie de doctrina. Así adelantamos la idea que en La Caída la reticencia estilística, lejos de ser una manera de callarse, constituye más bien la única manera de expresarse y de hacer « memorable » un recuerdo íntimo por medio de un reconocimiento colectivo.
Sophie Bastien, « Unos regímenes rejuvenecedores para el teatro de Camus »
El artículo analiza dos representaciones de obras camusianas producidas en la primavera de 2017 : Caligula montada por René Richard Cyr en Montreal, y El estado de sitio puesto en escena por Emmanuel Demarcy-Mota en ciudades francesas y luego en gira internacional hasta 2018. Decididamente modernas, estas dos representaciones actualizan las obras respectivas. El trabajo de Demarcy-Mota sobre El estado de sitio recurre a medios visuales y sonoros abundantes, al despliegue espacial, a la expresividad corporal, a procesos a veces copiados de Artaud y a veces de Brecht, y a lenguajes escénicos que el joven Camus había ya prescritos en Rebelión en Asturias. Todo este dinamismo resulta muy eficaz. En cambio, en manos de René Richard Cyr, Caligula se vuelve desnaturalizado. La participación recurrente de Drusilla y la incorporación de entradas sacadas de la versión de 1941, resultan contradictorias en la versión de 1958. Supresiones textuales considerables dejan atrás la lucidez existencial del protagonista y su modo irónico. Bueno, delante de la profundidad exigente de los temas camusianos, Cyr elige la elusión cuando Demarcy-Mota no sacrifica nada.
Christian Phéline – « El traidor, el tránsfuga y el arrepentido, figuras del Renegado »
Podemos detectar en El Renegado (1957), tipo de drama crístico convertido al negativo, un eco tanto del suplicio del mártir del islam Al-Hallâj que de la novela El Euldj, cautivo de los Berberiscos (Chukri Khodja, 1929) o de la catástrofe identitaria sufrida por unos « coloniales » en Heart of Drakness (Joseph Conrad, 1899) y Des Blancs dans la cité des Noirs (Robert Randau, 1935). Su caída coincide también con la inesperada reconciliación con la humanidad que concluye El Estranjero. Pero, del más oscuro y hermético de sus relatos, Camus ha paradójicamente querido establecer de antemano el sentido: « Se trata del intelectual que se ha convertido en comunista […] ». Este artículo sirve para particularizar tal « parábola » con respecto a la violenta experiencia del activismo comunista hecha por el autor en 1935-1937 y además de su postura en la crisis final de la Argelia colonial. Figura de las cegueras de un cierto « progresismo », el « renegado » aparece como vecino del « tránsfuga » representado por Albert Memmi, tomando « fatalmente una forma de liberación nacional y étnica de la que solo puede ser excluido y al que Camus, a riesgo de ser considerado como un simple « colonizador de buena voluntad », habrá opuesto el rechazo de cualquier monopolio étnico, religioso o político. Por eso la novela de 1957 anticiparía también esta « poli-tragedia » de la hiperviolencia (Edgar Morin) de una descolonización sin embargo ineludible y que, como se sabe, se ha gravemente perpetuada posteriormente.