09 Sep Présence d’Albert Camus n°14 – 2022
Le numéro 14 de notre revue Présence d’Albert Camus est paru. En voici le sommaire. Vous pouvez commander ce numéro au prix de 12€ (+ 3 € de frais de port pour la France) à l’adresse de l’association : 18 avenue René Coty, 75014, Paris.
Sommaire
Texte :
Texte d’Albert Camus, « Jean-Claude Brisville : « Un de nos rares écrivains qui sachent écrire » », présenté par Philippe Vanney.
Contributions :
Hans Peter Lund, « Le topos du soir chez Camus »
David H. Walker, « L’Homme révolté aux États-Unis »
Denis Charbit, « Les préfaces politiques d’Albert Camus ou l’obstination du témoignage »
Rémi Baudouï et Matthieu Donnarumma, « Camus et la justice : une théorie de la pratique à l’épreuve des polémiques »
Christian Phéline, « Le reste, il fallait l’imaginer, entre le mort et le vif, un orphelin en son roman des origines »
Alexis Lager, « Camus / Gary : dialogue à hauteur d’homme »
Travaux universitaires :
Barbara Zauli, « L’écriture à l’épreuve de l’expérience. De L’Expérience intérieure chez Georges Bataille, Friedrich Nietzsche, Albert Camus »
Alberto Herrera Pino, « Lo desgarrado en la obra de Albert Camus. Investigación ontológica del pensamiento filosófico camusiano » (« Le déchirement dans l’œuvre d’Albert Camus. Recherche ontologique sur la pensée philosophique camusienne »).
Marie Vergnol, « Albert Camus et la poésie : entre sens tragique et bonheur de vivre »
Document :
Alessandro Bresolin, « Camus et Présence Africaine, 1949 »
Comptes-rendus :
Christian Phéline, La terre, l’étoile et le couteau. Le 2 août 1936 à Alger (Philippe Vanney) ; Jeanyves Guérin, Voies et voix de la révolte chez Albert Camus (Christian Phéline) ; Martine Mathieu-Job, Mon cher Albert. Lettre à Camus (Agnès Spiquel) ; Patrick de Meerleer, Instituteur et père spirituel d’Albert Camus (Guy Basset) ; Albert Memmi, Les Hypothèses infinies. Journal, 1936-1962 (Pierre-Louis Rey) ; Marylin Maeso, La petite fabrique de l’inhumain (Agnès Spiquel)
Bibliographie
Vie de la Société des Études Camusiennes
Disparition :
André Abbou
Résumés
Hans Peter Lund, « Le topos du soir chez Camus »
L’image du soir qui apparaît dans toute l’œuvre de Camus, tout en se concentrant dans Noces et L’Été, signifie tantôt un moment angoissant, tantôt une trêve de douceur. Cet article établit d’abord une topologie de la fin chez Camus, où, comme dans l’ancienne tradition (Ernst Robert Curtius), le soir marque aussi la clôture du texte. Ensuite est considérée la transposition poétique du soir qui n’efface pas l’objet lyrique, mais le retient dans une brève épiphanie (Jean-Michel Maulpoix). Enfin, si la transition vers l’ombre est ressentie comme une agonie, elle peut aussi être le moment de paix et de beauté comme dans la Grèce de Camus. Finalement, une topographie du soir propose de répartir ses deux significations entre le Sud et le Nord, et une chronologie de relever la prépondérance du soir comme un moment fatal à partir de La Peste.
David H. Walker, « L’Homme révolté aux États-Unis »
Après la coupure de la Deuxième Guerre, les ėditeurs américains s’empressent de publier les auteurs français devenus notoires sous l’Occupation. La maison Knopf publie coup sur coup des traductions de L’Étranger (The Stranger, 1946) et La Peste (The Plague, 1948) et Camus devient romancier célèbre dans le monde Anglo-Saxon. Toutefois les essais philosophiques restent largement inconnus du public anglophone. Les avis des lecteurs pressentis par Knopf ne sont guère favorables et ce n’est que pour obliger le romancier à succès que l’éditeur accepte de publier ces ouvrages. Dès sa parution en 1953 la traduction de L’Homme révolté (The Rebel) est accusée de trahir le livre de Camus par les coupures pratiquées dans le texte, et elle suscite des critiques acerbes quant aux nombreuses erreurs élémentaires qu’elle contient. Une deuxième édition revue et corrigée, avec les coupures restaurées, est publiée en 1956, mais ce volume laisse toujours à désirer.
Denis Charbit, « Les préfaces politiques d’Albert Camus ou l’obstination du témoignage »
L’article vise à dégager les propriétés formelles et substantielles communes aux préfaces, au nombre de huit, rédigées par Camus pour des ouvrages destinés à témoigner en faveur de causes politiques en apparence perdues au moment où il les rédige : l’Espagne républicaine, la Palestine juive, la révolte hongroise, etc… Il use d’une ironie grinçante pour dénoncer les tenants de la raison d’État et leurs complices, fait l’éloge des témoins qui rapportent le combat de ceux qui sont restés fidèles à la cause sans perdre espoir et s’adresse enfin à la majorité silencieuse pour qu’elle sorte de la torpeur dont profitent les puissants.
Rémi Baudouï et Matthieu Donnarumma, « Camus et la justice : une théorie de la pratique à l’épreuve des polémiques »
La question de la justice est au cœur du débat des intellectuels au cours du XXème siècle. Marqué par les injustices de la situation coloniale algérienne, Albert Camus s’y engage pleinement. Il affirme la nécessité d’une « justice juste » qui reste humaine et refuse le dilemme de « la victime et du bourreau ». En militant pour une justice éthique de la praxis – du cas par cas – et non une justice de simple application des lois, Albert Camus est rejeté par les théoriciens marxistes et les théoriciens libéraux de la justice. Dans un monde en pleine mutation, les réflexions de Camus méritent d’être réexaminées dans la perspective d’une refonte de notre démocratie moderne.
Christian Phéline, « « Le reste, il fallait l’imaginer », entre le mort et le vif, un orphelin en son roman des origines »
Le récit familial de la crise subie par le père après avoir assisté à une exécution publique est ici analysé comme le pivot de ce roman des origines qu’est Le Premier Homme. Les répliques amoindries qu’en plusieurs occasions l’enfant aussi bien que sa mère donnent de cette panique première jalonnent en effet l’obscure réinvention de soi par laquelle l’écrivain put dépasser la tentation du reniement d’un père disparu et d’une mère mutique pour, renouant avec les siens, « se créer sa propre tradition » et « consentir enfin à vivre ». Est aussi étudié comment, à cette fin, tant la transmission mémorielle que le travail de l’imaginaire se nourrissent et s’écartent du cas du meurtrier que Camus dénomme « Pirette », et de quelques autres faits divers algérois. En finissant ainsi, à la veille d’un nouvel exil, par se reconnaître dans toute une lignée de migrants solitaires et perdus, l’écrivain affronte avec une rare lucidité la finitude de la colonisation de peuplement comme machine de malheur.
Alexis Lager, « Camus / Gary : dialogue à hauteur d’homme »
Croisant l’étude biographique et l’analyse littéraire, cet article entreprend de retracer l’histoire des rapports entre Camus et Gary mais également de faire dialoguer leurs deux œuvres. Sur le plan biographique, Camus a été, pour Gary, un soutien éditorial et un intercesseur fraternel. Gary fut un lecteur attentif de l’œuvre de Camus, partagé entre un sentiment d’admiration et une volonté de distinction dont plusieurs textes témoignent. Un même « humanisme romanesque » traverse leurs deux œuvres mais celui-ci ne prend pas le même visage dans leurs fictions respectives. Comparant Grand, le modeste fonctionnaire de La Peste, et Morel, le héros mythique des Racines du ciel, la fin de notre étude montre que le romanesque sisyphéen de Camus s’oppose à une conception prométhéenne du roman chez Gary.
Abstracts
Hans Peter Lund, « Le topos du soir chez Camus »
The image of the evening which appears throughout Camus’s work, while concentrated in Noces andL’Été, sometimes signifies a moment of anguish and sometimes a gentle truce. This article initially sets out a topology of the end in Camus’s work where, as in the time-honoured tradition (Ernst Robert Curtius), the evening marks the closure of the text. Then we consider the poetic transposition of the evening which does not erase the lyrical object, but holds it in a brief epiphany (Jean-Paul Maulpoix). Furthermore, if the transition to darkness is experienced as an agony, it can also be the moment of peace and beauty as in Camus’s Greece. Finally, a topography of the evening suggests the two senses can be divided between the North and the South, and a chronological perspective highlights the preponderance of the evening as a fatal moment from La Pesteonwards.
David H. Walker, « L’Homme révolté aux États-Unis »
Following the Second World War, American publishers were eager to publish French authors who had come to prominence during the Occupation. Knopf brought out in rapid succession The Stranger (1946) and The Plague (1948) and Camus became a celebrated novelist in the Anglo-Saxon world. However the philosophical essays remained largely unknown to the English-speaking public. The opinions of readers sought out by Knopf were hardly favourable and it was only to oblige the best-selling novelist that the publisher agreed to print these works. Upon its publication in 1953 the translation of L’Homme révolté (The Rebel) was accused of betraying Camus’s book by virtue of the cuts the text had been subjected to, and the numerous elementary errors it contained. A second edition of 1956, revised and corrected, and with the cuts restored, is still far from satisfactory.
Denis Charbit, « Les préfaces politiques d’Albert Camus ou l’obstination du témoignage »
This article aims to identify the formal and substantial properties common to the prefaces, eight in number, written by Camus for books dedicated to testifying for political causes apparently lost at the time he wrote them : Republican Spain, Jewish Palestine, the Hungarian revolt, etc … Camus uses a scathing irony to denounce the supporters of Reason of State (la raison d’État) and their accomplices ; he praises the witnesses who report the fight of those who remain faithful to the cause without losing hope and finally addresses the silent majority to emerge from the torpor that the powerful benefit from.
Rémi Baudouï et Matthieu Donnarumma, « Camus et la justice : une théorie de la pratique à l’épreuve des polémiques »
The question of justice is at the heart of the debate among intellectuals during the 20th century. Marked by the injustices of the Algerian colonial situation, Albert Camus commits himself to it. It affirms the need for a « just justice » that remains humane and rejects the dilemma of the « victim and the executioner ». By advocating for an ethical justice of praxis – case by case – and not a justice of simple application of laws, Albert Camus is rejected by Marxist theorists and liberal theorists of justice. In a changing world, the reflections of Camus deserve to be re-examined with a view to reforming our modern democracy.
Christian Phéline, « « Le reste, il fallait l’imaginer », entre le mort et le vif, un orphelin en son roman des origines »
The family account of the crisis that the father suffered after attending a public execution is viewed here as the lynchpin of the search for origins in Le Premier Homme. The diminished iterations of this primal panic that the child as well as his mother act out on several occasions punctuate the obscure self-reinventing through which the writer overcame the temptation to disown a lost father and a mute mother, and reconnecting with his relatives, « created his own tradition » and « consented to live ». We also study how, in this way, transmission of memory and work of fiction feed on and depart from the criminal case of the so-called « Pirette » and several other Algerian faits divers. When at the approach of a new exile, the writer finally recognizes himself in a whole lineage of solitary and lost migrants, he faces with rare insight the finiteness of settlement colonization as a machine of misfortune.
Alexis Lager, « Camus / Gary : dialogue à hauteur d’homme »
At the intersection between biographical study and literary analysis, this article sets out to trace the history of the relations between Camus and Gary but also to establish a dialogue between their works. On the biographical plane, Camus was for Gary a supportive editor and a fraternal go-between. Gary was an attentive reader of Camus, divided between a feeling of admiration and a determination to set himself apart to which several texts bear witness. A shared « novelistic humanism » runs through their two bodies of work but this does not assume the same guise in their respective fictions. Comparing Grand, the modest civil servant, and Morel, the mythic hero of Les Racines du ciel, the conclusion to our study shows that the Sisyphean novel-writing of Camus is opposed to Gary’s Promethean conception of the novel.
Resumenes
Hans Peter Lund, « el topos de la tarde en la obra de Camus »
La imagen de la tarde que apparece en toda la obra de Camus, mientras se centra en Bodas y El verano, significa a veces un momento de angustioso a veces una tregua de tranquilidad. Este artículo establece, en primer lugar, una topología del fin en la obra de Camus, en la que, como en la antigua tradicíon (Ernst Robert Curtius), la tarde también marca el cierre del texto. Después, esta considerada la transposicíon poética de la tarde que no borra el objeto lírico, pero lo mantiene en una breve epifanía (Jean-Michel Maulpoix). Por fin, si la transicíon hacia la sombra se experimenta comme una agonía, puede también ser un momento de paz y de belleza comme en la Grecia de Camus. Finalmente, una topografía de la tarde propone repartir sus dos significados entre el Sur y el Norte, y una cronología de destacar la preponderancia de la tarde como un momento fatal a partir de La peste.
David H. Walker, « El hombre rebelde en los Estados-Unidos »
Despues del corte de la Secunda Guerra, los editores estadoudinienses se apresuraron a publicar los autores franceses que se han hecho famosos durante la Ocupación. La casa Knopf publica uno tras otras traducciónes de El extranjero(The Stranger, 1946) y La Peste (The Plague, 1948) y Camus se convierte en un novelista famoso en el mundo anglosajón. Sin embargo los ensayos filosóficos siguen siendo en gran parte desconocidos para el público anglosajón. Las opiniones de los lectores buscados por Knopf no eran muy favorables y sólo para obligar al exitoso novelista el editor aceptó publicar estas obras. Nada más publicarse, en 1953, la traducción de El hombre rebelde (The Rebel) fue acusada de traicionar al libro de Camus por los recortes realizados en el texto, y suscita críticas acerbas en cuanto a las numerosas errores elemental que contiene. Una segunda edición revisada y corregida, con los recortes restaurados, fue publicada en 1956, pero este volumen aún deja que desear.
Denis Charbit, « Los prefacios políticos de Albert Camus o la persistencia del testimonio »
El artículo tiene como objectivo identificar las propriedades formales y sustanciales comunes a los prefacios, ocho en total, escritos por Camus para obras destinadas a testificar a favor de causas políticas aparentemente perdidas en el moment en que las escribió : La españa republicana, la Palestinia judía, la rebeldía húngara, etc. Utiliza una ironía sarcastica para denunciar a los partidarios de la razón de estado y sus cómplices, elogia a los testigos que relatan la lucha de quienes permanecieron fieles a la causa sin perder la esparanza y se dirige finalemente a la mayoría silenciosa para que salga del letargo del que aprovechan los poderosos.
Rémi Baudouï et Matthieu Donnarumma, « Camus y la justicia : una teoría de la práctica a prueba de las polémicas »
El tema de la justicia está en el centro del debate entre los intelectuales del siglo XX. Marcado por las injusticias de la situacion colonial argelina, Albert Camus se implicó plenamente. Afirma la necesidad de une « justicia justa » que sigue siendo humana y rechaza el dilema de « la víctima y del verdugo ». Al militar por una justicia ética de la praxis – del caso a caso – y no una justicia de simple aplicación de las leyes, Albert Camus fue rechazado por los teóricos marxistas y los teóricos librelales de la justicia. En un mundo en plena mutación, las reflexiones de Camus merecen ser reexaminadas en la perspectiva de la refundición de nuestra democracia moderna.
Christian Phéline, « “El resto, había que imaginarlo”, entre lo muerto y lo vivó, un huérfano en su novela de los origines »
El relato familial de la crisis sufrida por el padre despues de haber acudido a una ejecución pública esta aquí analizado como el centro de esta novela de los origines que es El primer hombre. Las réplicas atenuadas que en varias ocasiones tanto el niño como su madre dan de esta pánico inicial marcan la oscura reinvención del sí-mismo por la que el escritor pudo superar la tentación del rechazo de un padre desaparecido y de una madre muda para, reconectando con los suyos, « crearse su propria tradición » y « consentir en fin a vivir ». También se estudia como, con ese fin, tanto la transmisión de la memoria como el trabajo de la imaginación se nutren y se apartan del caso del asesino que Camus llama « Pirette », y de algunos otros sucesos argelinos. Terminando de esta manera, a la víspera de un nuevo exilio, reconociendose en todo un linaje de migrantes solitarios y perdidos, el escritor se enfrenta con una rara lucidez a la finitud de la colonización de población como máquina de la desgracia.
Alexis Lager, « Camus/Gary : dialógo a la altura del hombre »
Cruzando el estudio biográfico y el análisis literario, este artículo emprende recordar la historia de las relaciónes entre Camus y Gary pero también establecer un dialógo entre sus dos obras. Biográficamente, Camus ha sido, para Gary, un apoyo editorial y un intercesor fraternal. Gary fue un lector atento de la obra de Camus, que se debatía entre un sentimiento de admiración y una voluntad de distinguirse, como se muestra en varios textos. Un mismo « humanismo novelesco » recorre las obras de ambos, pero no adopta la misma forma en sus respectivas ficciones. Comparando Grand, el modesto funcionario de La Peste, y Morel, el heroe miticó de Les Racines du ciel, el final de nuestro estudio muestra que el novelesco sísifeano de Camus se opone a una concepción prometeana de la novela en la obra de Gary.